Lausanne, une ville, un monde: 50 incursions au fil de la diversité

Lausanne est l’une des villes les plus cosmopolites d’Europe, avec près d’une personne sur deux de nationalité étrangère. Cela se ressent partout : dans les rues, au sein des quartiers, à l’école, au travail, dans les restaurants, ou encore dans l’offre culturelle et associative foisonnante. À la manière d’un guide touristique, le livre « Lausanne, une ville, un monde », publié à l’occasion des 50 ans du Bureau lausannois pour les immigrés (BLI), propose une cartographie multiculturelle de Lausanne à travers 50 sujets originaux. L’un d’eux a été consacré à Ernesto Ricou, fondateur du musée de l’immigration.

D’origine portugaise, brésilienne et suisse, Ernesto Ricou est le fondateur du musée de l’immigration à Lausanne (Photo Céline Michel)

Entre larmes et enracinements, le patrimoine de l’immigration

Au fond d’une arrière-cour de l’avenue de Tivoli, dans un ancien dépôt de voirie à la façade jaunie, se trouve le musée de l’immigration, une sorte de caverne d’Ali Baba dédiée aux déracinements, aux patrimoines culturels et aux identités plurielles. Ernesto Ricou a démarré ce projet en 2005 avec des valises confiées par des immigrés, qui forment toujours le cœur de l’exposition. New York, Bratislava, Alger, Brasilia: ces malles sentent le cuir et les longs périples. Ernesto Ricou ouvre celle de Ramiro, un immigré galicien qui a officié de longues années comme concierge à Béthusy. On y découvre de vieilles coupures de journaux, le schéma d’une meule à aiguiser les couteaux, une peinture à l’huile représentant une plage, un récit de vie…

«Ces malles sont remplies de larmes, raconte Ernesto Ricou, qui a grandi à Porto avec une mère italo-brésilienne, un père suisse et 11 frères et sœurs. Les parcours migratoires sont faits de deuils, de ruptures. L’un de mes fils, qui vit actuellement aux États-Unis, le pays de ma femme, m’a dit une fois qu’il ne savait plus qui il était avec toutes ses origines. Je lui ai répondu qu’au-delà des différences, il y avait une culture universelle en laquelle tous les humains se reconnaissent. »

L’un des mes fils m’a une fois confié qu’il ne savait plus qui il était avec toutes ses origines

Arrivé à Lausanne à la vingtaine alors que la révolution des Œillets secouait le Portugal au milieu des années 1970, Ernesto Ricou a enseigné les arts visuels durant de nombreuses années dans les écoles lausannoises. Aujourd’hui retraité, il se souvient avoir observé que certains élèves avaient honte de leurs origines. «Je me suis dit qu’il fallait faire quelque chose, valoriser ces héritages, ne pas les oublier. »

Son petit musée reçoit de nombreuses classes, de l’école enfantine à l’université. «Cette mission pédagogique forme notre âme, qui est de promouvoir la tolérance et la paix entre les communautés. La bonté n’a pas de nationalité, le racisme non plus. » Le comité qui gère le musée, composé essentiellement d’enseignantes, tourne avec un budget dérisoire. Il est actuellement confronté au défi de trouver de nouveaux locaux en raison d’un projet immobilier qui condamne la baraque de Tivoli. Ernesto Ricou rêve de s’installer dans les pavillons de l’école du Belvédère, les mêmes où ont résidé des ouvriers italiens dans les années 1960. Tout un symbole…